le 30 octobre 2023
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Le réseau Stop précarité né en 2001 à l’initiative et en soutien à de jeunes salariés de la restauration rapide et du commerce en grève chez Macdonald, Pizza Hutt, Maxi-livre ou la Fnac, a décidé de s’organiser face à la précarité du travail. Cette précarité n’a cessé de se développer sous de multiples formes : sous-traitance, auto-entreprenariat, contrat, ubérisation, emploi sans titre de séjour, etc Les luttes se multiplient et obtiennent des victoires, mais le droit du travail ne cesse de reculer. Connaître le droit du travail, ce qu’il en reste, permet de mieux se défendre, face à son patron, d’organiser la solidarité avec ses collègues car la lutte permet seule de conserver ses droits au travail et d’en arracher de nouveaux. Et depuis 2004, des juristes du travail, des syndicalistes, CGT, CNT, Solidaire, proposent bénévolement des cours mensuels gratuits de droit du travail, droit social, ouverts à tous et toutes sans inscription préalable. Nous nous sommes rendus le lundi 2 octobre 2023 pour écouter l’un de ces cours organisé par Luc Chevalier qui est à Sud emploi et Yoann Pikto qui est de la CGT pôle-emploi. Le thème : les chômeurs face à France Travail.
France Travail obligatoire
Cette réforme fait partie d’une logique générale d’augmenter les bénéfices des patrons, précariser toujours plus les travailleurs, désencadrer le travail. Faire disparaître les droits, les principes, pour mettre chaque travailleur potentiel à la merci des patrons et de l’État. Plonger chacun d’entre nous dans l’insécurité. Les plus précarisés, comme les allocataire du RSA seront obligé·e·s d’accepter des emplois dégradés (contrats 0 heures, auto-entreprise, pénibilité, salaires dérisoires, accidents du travail etc.), ce qui permettra au patronat de recruter sans devoir offrir des conditions de travail décentes, affaiblissant la situation de tous les travailleur·se·s. Cet objectif se retrouve dans la réforme des retraites, la réforme du lycée professionnel, ou encore dans une loi comme le projet « travail-immigration » permettant la régularisation temporairement de sans-papier, à conditions qu’ils et elles acceptent les emplois dont personne ne veut plus. Et citons la récente réforme de l’assurance chômage, qui fait varier nos droits en fonction du taux d’emploi dans la région, c’est à dire qu’elle fait de nous, et de nos droits des variables d’ajustement économique.
France Travail et la loi dite « pour le plein emploi »
Le projet de loi « pour le plein emploi » dont le vote est prévu le 10 octobre à l’Assemblée Nationale, après un vote en juillet au Sénat qui l’avait déjà durci, est une nouvelle attaque d’une gravité extrême pour tous les chômeurs, précaires, dont les allocataires du RSA. Il pousse encore plus loin la restriction de l’accès au RSA et aux allocations de chômage, et renforce la « chasse aux chômeurs » en augmentant les sanctions, une orientation mise en œuvre par Hollande avec la loi El Khomri, poursuivie à charge forcée par Macron. Cette politique avait commencé en réalité sous la présidence de Sarkozy, avec la fusion opérée entre les ANPE (agences accompagnant les chômeurs) et l’ASSEDIC (organisme collectant les cotisations des salariés et versant les allocations aux privés d’emploi). Au nom du plein emploi, il s’agit d’imposer aux privés d’emploi des conditions d’indemnisation de plus en plus impossibles à réunir, et de les obliger à accepter n’importe quel emploi mal payé et précaire. La devise est « Chômage = business ! »
1er point : l’inscription obligatoire à France Travail :
La loi imposera à tous les inscrits à Pôle emploi (qui va devenir France Travail), mais aussi à tous les allocataires du RSA et leurs conjoints, de signer un contrat d’engagement les obligeant à consacrer 15 à 20 heures par semaine aux activités d’accompagnement proposées par Pôle emploi et des boites privées. Seuls les invalides et handicapés en ont été exonérés selon un dernier amendement.
Ceci sans augmenter les moyens en personnel du service public de l’emploi, au contraire les agents de ce service seront mis en concurrence pour inscrire le plus de personnes « aptes à travailler » dans ce fichier, et les contraindre à travailler. Il s’agit bien d’une chasse aux « oisifs ». Concernant les jeunes, il faudra repérer ceux qui ne sont ni en emploi, ni en formation, avec l’aide d’organismes publics mais aussi privés. Quant aux travailleurs handicapés, en AAH ou suivis par les MDPH, la reconnaissance handicapé sera généralisée, et assortie d’une présomption d’activité en milieu ouvert, sous le contrôle des médecins du travail s’il s’agit d’accidents du travail, mais sans moyens de suivi…
Ainsi nul n’est inemployable et tous les travailleurs potentiels sont mis en concurrence. Le contrat d’engagement n’a plus rien à voir avec le projet personnel. Il se voit adopté après des expérimentations du nouveau RSA dans plusieurs départements, mais sans qu’aucun bilan n’en ait été tiré. Or ces expérimentations ont eu des résultats très variés selon les départements.
Autre point qui pose problème :
Le contrat d’engagement est censé être réciproque. Or la loi en cours d’examen ne précise absolument pas les engagements du service public.
2. France Travail est un portail unique d’inscription ouvert à des opérateurs privés.
Pôle emploi offre ainsi sa base de données à tous les opérateurs privés, dont les agences d’intérim ! Déjà en 2005 Pôle emploi avait perdu son monopole. En 2022, les acteurs privés ont bénéficié de 286 millions et ce chiffre a doublé en cinq ans. Les agences d’intérim pourront employer des travailleurs en POE (préparation à l’emploi) sans qu’ils obtiennent un contrat de travail à la fin. Les chômeurs et précaires deviennent un gisement d’exploitation et de travail forcé, un business pour les organismes privés. D’ores et déjà on a assisté à une fuite massive de données personnelles d’inscrits à Pôle emploi, il n’y a aucune garantie de confidentialité.
Des agences Pôle emploi vont également fermer et seront remplacées par des agences locales d’insertion (ALI) qui se sont vues reprises par le groupe ARES, dont le CA est passé de 24 à 37 millions en deux ans, et qui a reçu le suivi des allocataires du RSA en Seine St-Denis.
3. Vers une contra-cyclité des allocations selon la conjoncture.
L’assurance-chômage met déjà les gens dans la misère. Suite aux réformes successives qui ont durci les conditions d’accès, seule 36 % des inscrits à Pôle emploi touchent une allocation, et 40 % d’entre eux perçoivent moins de 250 euros par mois. Mais cela ne suffit pas au gouvernement qui veut aller toujours plus loin, tout en prétendant faire baisser le taux de chômage, calculé sur les seuls inscrits en catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité. Par exemple en s’inspirant de ce qui se fait au Canada, où la durée d’indemnisation varie de 14 à 45 semaines selon le taux de chômage régional. La logique est d’ores et déjà de diminuer la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage. La négociation entre partenaires sociaux devient impossible, et le chômage est géré par décrets. Le gouvernement prétend qu’il y a trop d’offres d’emploi non satisfaites. C’est oublier que ce qui reste disponible sur le marché de l’emploi, ce sont des emplois de plus en plus précaires ; On trouve 1.1 million d’offres d’emploi disponibles sur le site pôle-emploi.fr, mais 80 00 seulement sont à temps plein et payés au SMIC en CDI. Le projet France Travail est avant tout idéologique, il exprime une volonté de mettre en place un contrôle social total. C’est pourquoi nous nous y opposerons par tout moyen.
Infos pratiques :
Les cours de droit du travail ont lieu tous les premiers lundi du mois, d’octobre à juin, de 19h à 21h à la Bourse du Travail, 3 rue du Château d’Eau, ou 85 rue Charlot, ou 67 rue Turbigo.
A suivre :
– Lundi 6 novembre : Le nouveau RSA sous contrainte, Aain Guezou, au RSA, Sophie Rigard, Secours Catholique, Alain Coudert, AC !63
– Lundi 4 décembre : Les Prudhommes, Hélène Meynaud (universitaire) et Rachel Spire (avocate)
– Cours prévus en 2024 sur l’intelligence artificielle, le télétravail, la maltraitance institutionnelle, le droit d’alerte…