le 17 mai 2024
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Mercredi 15 mai, Macron a décrété l’état d’urgence en Kanaky après plusieurs nuits d’émeutes contre le dégel du corps électoral. Alors que les mobilisations avaient gagné en intensité ses derniers jours, la loi vient d’être votée à l’Assemblée nationale ce mercredi.
Pour rappel, la Kanaky est une colonie française depuis le 19ᵉ siècle. Elle est d’abord utilisée par la France comme une colonie pénitentiaire où étaient envoyées tout ce que la métropole comptait en pauvres, subversifs ou révolutionnaires. Elle devient une colonie de peuplement au 20ᵉ siècle, les colons français s’y installent et supplantent peu à peu les Kanaks.
En ce début 2024, après 170 ans de colonisation de la terre de Kanaky, et année anniversaire des 40 ans de création du FLNKS, le gouvernement français a décidé de présenter unilatéralement deux projets de lois sur l’avenir institutionnel de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie mettant en jeu l’avenir du peuple Kanak.
Après les affrontements violents qui ont marqué les années de 1984 à 1988, les accords de Matignon-Oudinot (1988) et de Nouméa (1998), fruit de décennies de négociations, ont permis la reconnaissance du peuple Kanak comme peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie et ouvert un processus de décolonisation et d’autodétermination.
L’État français s’engageait à rompre avec la logique de colonisation de peuplement qui conduisait à la minorisation du peuple Kanak, d’où le gel du corps électoral établi dans les accords, en conformité avec les résolutions de l’ONU : « Les puissances administrantes devraient veiller à ce que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l’immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu’elles administrent. »
C’était la condition pour rendre possible la recherche d’un consensus sur le devenir du pays : quelle forme de souveraineté ? Quelle relation avec la France ?
Les conditions du 3ᵉ et dernier référendum d’autodétermination fin 2021 sont aujourd’hui toujours remises en question unanimement par l’ensemble des indépendantistes Kanak. Ils avaient demandé son report pour respecter la période de deuil en pleine épidémie de la covid (en confinement, ils ne pouvaient faire campagne). L’État a imposé la date du référendum et le peuple Kanak, peuple colonisé, n’a pas participé. L’ensemble des indépendantistes ne reconnaissent pas les résultats de ce 3ᵉ référendum, une plainte a été préparée par la FLNKS en vue de faire reconnaître ces conditions inacceptables par la Cour internationale de Justice.
Aujourd’hui, sous couvert de « démocratie » le gouvernement français veut reporter les élections provinciales et modifier le corps électoral, et ainsi augmenter brutalement de 15 % le corps électoral pour les provinciales avec une ouverture à des métropolitains résidant depuis 10 ans pour diluer le peuple Kanak dans ces flux migratoires.
L’État veut balayer l’Accord de Nouméa avec ces deux projets de lois dans un calendrier très court : présentation de la loi organique (report des élections provinciales) au Sénat le 27 février puis à l’Assemblée nationale. La seconde sur le dégel du corps électoral, au Sénat dès mars. Et si aucun accord n’est conclu avec les indépendantistes avant le 1ᵉʳ juillet, il passe en force en convoquant le congrès de Versailles.
Alors que les manifestations et les blocages gagnaient en intensité en Kanaky depuis le début du mois de mai, la journée du 13 mai, veille du vote à l’Assemblée nationale, a marqué un tournant. De nombreuses routes ont été bloquées, la grève a été très suivie dans les ports et les aéroports, dans les réseaux de transports en commun et chez les camionneurs, de nombreuses administrations étaient également fermées. Des matons ont par ailleurs été pris en otage dans la prison de Nouméa pendant que des affrontements avaient lieu entre jeunes kanaks indépendantistes et forces de l’ordre dans plusieurs quartiers.
Dans la journée du mardi 14 mai, un couvre-feu a été décrété de 18 h à 6 h à partir du lendemain et des renforts ont été annoncés (quatre escadrons de gendarmerie mobile (près de 500 gendarmes), deux sections de CRS, le RAID et le GIGN). Le vote a été reporté au mercredi. Des milices loyalistes (principalement des Métros et des Caldoches [1]) ont commencé à faire leur apparition dans la soirée, tenant des barrages filtrants pour « protéger leur quartier » notamment autour des quartiers de Tuband et Ouémo.
Dans la nuit de mardi à mercredi, les révoltes ont repris malgré le couvre-feu, des boutiques ont été pillées et incendiées (Décathlon, station Total) ainsi que des établissements scolaires. En tout, la police a annoncé 130 interpellations, et une soixantaine de policiers blessés. Une nouvelle mutinerie a eu lieu à la prison de Nouméa.
Dans la journée de mercredi 15, le texte est finalement adopté. La pénurie commence à se faire sentir, les magasins sont vides. Pendant que les jeunes tiennent toujours les barrages sur les routes et que des affrontements ont lieu avec les flics, le FLNKS lance un appel au calme et à la levée des barrages. Dans la soirée de mercredi, Macron a décrété l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie. Dans le même temps, le gouvernement annonçait également la suspension de TikTok pendant que Gérald Darmanin commençait à signer des assignations à résidence pour des militants « radicaux » et annonçait des perquisitions à venir. L’armée a aussi été déployée pour sécuriser les ports et aéroport. Pour l’instant, le bilan s’élève à six morts dont deux gendarmes.
Face à l’offensive coloniale de l’État français en Kanaky, soutenons la lutte des Kanaks. Plusieurs conférences de presse et rassemblements ont été organisés. Aujourd’hui dans cette émission, nous vous diffusons une partie des prises de paroles du rassemblement du jeudi 16 mai à 19 h sur la Place de la République, l’interview de Romuald Pidjot de l’union calédonienne réalisé le mercredi 15 mai et la conférence de presse qui avait lieu au CICP(centre international des cultures populaires) le jeudi 16 mai par Solidarité Kanaky.